Tetzlaff Quartett

Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Quatuor n° 2, op. 13 (1827)

• Adagio – Allegro vivace
• Adagio non lento
• Intermezzo: Allegretto con moto – Allegro di molto
• Presto agitato

Jean Sibelius (1865-1957)
Quatuor op. 56, "Voces intimae" (1908-1909)

• Andante – Allegro molto moderato
• Vivace
• Adagio di molto
• Allegretto (ma pesante)
• Allegro (ma pesante)

Durée: +/- 1h15

Felix Mendelssohn-Bartholdy - Quatuor en la mineur

Mendelssohn est attiré depuis sa plus tendre enfance par la musique de chambre. Si, dans sa jeunesse, ses modèles sont incontestablement Mozart, Haydn, mais aussi Cherubini, qui est fort joué en Allemagne, c’est Beethoven et son immense héritage que Mendelssohn admirait et qui sont à la base du Quatuor en la mineur, op. 13. A la Pentecôte 1827, près de Potsdam, c’est un jeune compositeur de dix-huit ans qui, venant d’apprendre la mort de Beethoven, compose un lied: Ist es Wahr, op. 9 n° 1. L’été venu, c’est tout un quatuor à cordes qu’il élaborera, avec le lied inséré dans le matériel thématique. Mendelssohn achève l’œuvre le 27 octobre; elle sera publiée à Leipzig en 1830 et créée en 1832, d’abord à Paris puis à Berlin.

Ce quatuor à cordes se compose de quatre mouvements. Le premier commence par une introduction lente (Adagio) en majeur avec un motif qui rappelle le majestueux motif descendant Lebewohl de la Sonate pour piano n° 26, « Les Adieux », op. 81. Ce motif sera présent entre les lignes tout au long du mouvement et tous les autres thèmes y sont liés. La courte section d'ouverture se termine par le motif interrogatif Ist es wahr, qui se compose également de trois notes (longue, brève, longue) et joue un rôle important dans l'utilisation des motifs par Mendelssohn en tant que principe unificateur. Après un long trille à l'alto, l'Allegro éclate : un tissu polyphonique compact et dissonant se déploie, avec des contrastes de nuances remarquables. L'introduction lente, suivie d'un torrent de doubles croches et d'un passage lyrique pointu, rappelle l'ouverture du Quatuor à cordes n° 15, op. 132, de Beethoven.

Suit alors un Adagio non lento, ce mouvement est d’une forme tout à fait particulière: il s’ouvre sur un lied cantabile plein de noblesse, proche du motif de l’Adagio introducteur. Ce lied, une fois exposé, est suivi d’un fugato très chromatique, douloureux, qui débouche, après une grande montée, sur un récitatif dramatique du premier violon. Une réexposition tronquée du fugato, d’une maîtrise contrapuntique étonnante et d’une grande intensité expressive, mène à la coda.

Mendelssohn opte, dans le troisième mouvement, pour un Intermezzo de caractère déjà pré-brahmsien. La première partie est une chanson à la saveur populaire, toute de transparence, accompagnée par des pizzicati imitant une guitare. Le Trio central fait brièvement entendre, dans un délicat pianissimo de doubles croches, ces couleurs légères et aériennes si typiques du Mendelssohn du futur Songe d’une nuit d’été. La fin du mouvement combine avec talent la chanson et le motif de doubles croches du Trio.

Le finale, prodigieusement complexe, est certainement l’un des plus beaux écrits par le jeune Mendelssohn. Sa structure, très cohérente sous des dehors morcelés, fait sans doute aussi référence au finale de la Neuvième Symphonie de Beethoven, procédant lui aussi par rappel des thèmes des mouvements précédents et interpolation d’un récitatif dans le parcours normal des développements thématiques. Ainsi, l'Adagio par lequel le quatuor a commencé réapparaît, avec lequel le compositeur lie les mouvements en mineur à un début et une fin en majeur.  Mendelssohn y ajoute l’unification presque cyclique de l’œuvre par la parenté des différents thèmes du quatuor et la conclusion citant l’introduction.

Sibelius - Quatuor à cordes en ré mineur

Durant sa jeunesse, Sibelius était un violoniste talentueux qui rêvait d'une carrière de virtuose. Cependant, ses débuts relativement tardifs en tant que musicien l'ont contraint à mettre de côté cette aspiration et il s'est entièrement consacré à la composition. Bien que Sibelius ait écrit beaucoup de musique de chambre pendant ses années d'études, il s'est surtout fait connaître par ses œuvres symphoniques. Il excelle à la fois dans la musique à programme (comme En Saga et la Suite Lemminkäinen) et dans les symphonies (il en a écrit sept). Entre les troisième et quatrième symphonies, il a signé en 1908-09 le Quatuor à cordes en ré mineur, mystérieusement intitulé Voces intimae. Il s'agit du seul quatuor que Sibelius ait composé pendant sa maturité artistique. 
 

Voces intimae signifie « voix intimes » et apparaît dans le manuscrit au-dessus d'un accord répété trois fois au cours du troisième mouvement. Sibelius a toujours été avare de commentaires sur ses propres œuvres. Dans une lettre à sa femme, il commente brièvement le quatuor à cordes : « C’est devenu quelque chose de merveilleux. Le genre de chose qui vous fait sourire à l'heure de la mort. Je n'en dirai pas plus. » Bien que l'œuvre ne soit pas de nature programmatique, Sibelius a peut-être aussi pensé à sa propre mort. Il a souffert d'un cancer de la gorge pendant les années de sa genèse, pour lequel il a subi une opération chirurgicale réussie.

L'œuvre compte cinq mouvements, dont le noyau émotionnel est un mouvement central lent. Autour de celui-ci gravitent deux scherzi (mouvements deux et quatre) et deux allegros (mouvements un et cinq). Le quatuor à cordes commence par un dialogue feutré entre le violon et le violoncelle. Le reste du quatuor se met alors en place et le mouvement ascendant du violoncelle se poursuit. L'utilisation de l'homorythmie (où les différents instruments se déplacent sur les mêmes rythmes) est frappante. Un motif composé d'une seconde ascendante et d'une quarte descendante sous-tend à la fois le mouvement d'ouverture passionné et le second, un scherzo rapide et sautillant. Sibelius élabore le matériau motivique à l'aide de trémolos joués par l'ensemble du quatuor. De courts silences ponctuent le scherzo. Dans le troisième mouvement, Sibelius oppose deux thèmes, l'un en mineur et l'autre en majeur, qu'il développe magistralement en une élégie poignante. Le deuxième scherzo, très rythmé, devient progressivement plus gracieux. Dans le finale, les idées se dissolvent dans une toccata sauvage et de plus en plus pressante.