Metropolis film still

Publié le - Lotte Poté

Cinéma muet et puissance symphonique

Metropolis, l’épopée futuriste de Fritz Lang

Cette année, le Brussels Philharmonic a l’honneur d’ouvrir le festival Ars Musica. L’orchestre se voit confier l’accompagnement musical d’un film emblématique de l’histoire du 7e art : Metropolis de Fritz Lang, déjà mis en musique par des compositeurs tels que Giorgio Moroder, Jeff Mills et Martin Matalon. Un voyage dans le temps, de 1927 à aujourd’hui.

Fritz Lang
Fritz Lang

1927 : la toute première épopée cinématographique de science-fiction au monde

Fritz Lang a réalisé Metropolis en 1927. Ce tout premier film de science-fiction allait entrer dans les annales de l’histoire du cinéma. Un succès, alors que le réalisateur lui-même ne jugeait pas le film réussi.

« Vous ne pouvez décemment pas réaliser un film qui dit avoir une conscience sociale dans lequel vous prétendez que l’intermédiaire entre la main et le cerveau est le cœur. C’est de l’ordre du conte de fées… Mais moi, je m’intéressais aux machines. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas aimé ce film – je le trouvais idiot et bête – puis, en voyant les astronautes, je me suis dit : qui sont-ils sinon des pièces d’une machine ? J’ai beaucoup de mal à parler des films – je dirais peut-être aujourd’hui que j’aime Metropolis car je l’ai vu littéralement sortir de mon imagination, alors que je l’ai détesté lorsqu’il était terminé. » – Fritz Lang, un peu avant sa mort en 1976

Lang était loin d’être le seul à clouer de temps à autre ce film au pilori. Si les images d’une beauté subjuguante et les prouesses techniques ont séduit les critiques, ceux-ci ont violemment épinglé l’utilisation de clichés typiques du mélodrame. Dans le New York Times, l’écrivain H.G. Wells a ainsi critiqué le message « réactionnaire » du film, qui dénonçait à ses yeux le progrès et les technologies, et accusé le réalisateur d’avoir plagié plusieurs œuvres antérieures (dont ses propres livres). Il alla même jusqu’à qualifier Metropolis de « quite the silliest film ».

Metropolis film still

L’histoire de Metropolis se déroule aux alentours de 2027, dans un futur à la fois éloigné et terriblement proche. Le monde est divisé entre les Intellectuels, qui coulent des jours heureux dans la ville haute, et les Travailleurs, la masse prolétaire misérable qui vit dans la ville basse et fait tourner les machines. Le film est un chef-d’œuvre monumental, où abondent les idées expressionnistes, religieuses et d’utopie sociale, superbement mises en images, sur fond de décors démesurés.

Les ouvriers d’une gigantesque ville ouvrière souterraine se révoltent contre la classe intellectuelle dominante, menaçant de détruire la superbe ville haute. Avec l’aide de Maria, une sorte de prophétesse, Freder, le fils du maître de la cité, tente d’éviter une catastrophe. Mais la classe supérieure entend bien tuer dans l’œuf la révolte prolétaire et construit à cette fin un robot qui ressemble à s’y méprendre à Maria.

La musique originale de Metropolis a été composée par Gottfried Huppertz. Son orchestration romantique et l’utilisation du leitmotiv wagnérien mettent en avant l’idéologie antimoderne du film. Cette bande-son est rapidement tombée dans l’oubli, au profit d’une nouvelle musique, éminemment puissante.

1984 : Giorgio Moroder et ses beats disco

En 1984, le producteur italien Giorgio Moroder signe une bande sonore électrisante sur fond de beats disco. Pour une harmonie parfaite avec le son de ses synthétiseurs, il n’hésite pas à recoloriser la version originale en noir et blanc avec des tons criards. Et parvient à convaincre Freddy Mercury de participer à cette aventure. Grâce à ces stars pop-rock-disco, les images expressionnistes de Fritz Lang resteront gravées dans notre mémoire cinématographique.

1995-2021 : l’ère de Martin Matalon

En 1995, l’IRCAM (Institut de recherche et coordination acoustique/musique), à Paris, commande à Martin Matalon une nouvelle partition pour Metropolis. Le compositeur argentin y a consacré 25 ans de sa vie.

« Metropolis est une merveille d’art visuel, chaque niveau se suffit à lui seul. Le rythme du montage est époustouflant, et le clair-obscur, les décors, le contenu même des images y rencontrent souvent la musique. » – Martin Matalon

Matalon a retravaillé à plusieurs reprises sa première version, la dernière fois en 2021. Le résultat est une alliance particulièrement réussie entre les images du film et une composition musicale pour orchestre et électronique. À l’image de Metropolis, qui mélange sans complexe culture élitiste et populaire, Matalon opte pour des instruments d’orchestre traditionnels, mais aussi pour des sonorités issues du jazz et de la salsa, entre autres. La nouvelle partition explore ainsi les similitudes et les contrastes entre les univers que la musique et l’image produisent ensemble, et parfois séparément, à l’écran et dans l’espace de l’écoute musicale.

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