Publié le - Cedric Feys

« L'électronique sera désormais un pilier à part entière à Bozar »

Electronic Spring donne le coup d'envoi du programme printanier de musique électronique à Bozar. Il marque aussi le début d'une nouvelle ère électronique au Palais. Il était donc grand temps d'interviewer les programmateurs Roel Vanhoeck et Anton Vanderhasselt sur la place de la musique électronique à Bozar et ce qui fait la particularité d’Electronic Spring.

Electronic Spring propose une programmation ample. Quelle était l'idée sous-jacente ?

Vanderhasselt Nous voulons donner à la musique électronique, en particulier à la musique électronique d'écoute, une place au Palais. Nous jouissons en effet d’une longue tradition en la matière.

Vanhoeck En effet, le caractère unique d'une institution comme Bozar réside dans le fait qu'il y a dix ans, l'importance de la musique électronique était déjà prise en compte.

Vanderhasselt Nous poursuivons dans cette voie avec Electronic Spring. Ce qui était autrefois marginal devient maintenant un programme à part entière avec sa propre ligne dramaturgique. Le Bozar Electronic Arts Festival a donné naissance à la Bozar Electronic Series. Il s'agissait de quatre ou cinq concerts par saison au Studio. Une programmation fantastique qui a généré beaucoup de plaisir lors de ces concerts qui ont également très bien fonctionné. Nous voulons poursuivre dans cette voie, mais avec une offre plus importante : nous passons à 12 concerts. L'électronique sera désormais un pilier à part entière, au même titre que le jazz et la musique globale, la musique classique et la musique ancienne.

Comment cette expansion se traduit-elle en termes de contenu ?

Vanderhasselt D'une série, nous passons à un genre. Nous abordons la musique électronique dans toute son ampleur, mais en tant que musique d'écoute, où l'aspect festif est secondaire par rapport à l'artistique. Il se fait déjà tellement de choses à Bruxelles dans le domaine de la musique électronique de danse que nous, à Bozar, ne voyons plus notre rôle là-dedans. À chacun sa spécialité. Nous disposons des lieux et de l'expertise nécessaires pour créer une expérience totale pour notre public. Nous privilégions des noms internationaux et des projets innovants.

Vanhoeck Nous voulons souligner la valeur artistique intrinsèque du genre auprès d'un large public. Et nous établissons des liens avec des genres dans lesquels Bozar a déjà une longue tradition : la musique contemporaine, le jazz et l'improvisation.

Jlin © Madhumita Mandi

Vous n’y voyez pas de séparation stricte ?

Vanhoeck Il y a dix ans, les différentes scènes de musique électronique se chevauchaient moins. Au cours de la dernière décennie, on voit que ces mondes fusionnent complètement. La musique classique contemporaine commence également à s'y intéresser. Il y a dix ans, Transit (un festival de musique classique contemporaine à Louvain, ndlr) présentait également de la musique électronique. Mais le nombre de visiteurs qui se rendaient ensuite à Bozar Electronic était réduit. Il s'agissait de mondes distincts, avec leurs propres labels, magazines et journalistes. Ils ne se mélangeaient pas. Aujourd’hui, si vous prenez par exemple November Music (un festival se déroulant à 's Hertogenbosch, ndlr), on y découvre tant des approches improvisées qu’informelles avec l'électronique. De même, à Unsound (un festival à Cracovie, ndlr), un quatuor à cordes peut se retrouver au programme. Ce sont des mondes qui se rejoignent de plus en plus.

Vanderhasselt Et c’est là que nous intervenons aussi.

Ce mélange est donc également présent lors d’Electronic Spring ?

Vanhoeck Absolument. La double affiche Selvhenter et Spëcht en est un bon exemple. Selvhenter rend le son du saxophone presque méconnaissable grâce à ses nombreux effets. Il fusionne l'improvisation libre avec de la musique électronique expérimentale, du bruitisme et des éléments post-punk. Quant à Spëcht, il s’agit en fait un trio de percussions. Sur son dernier album, il utilise l'électronique pour créer une certaine atmosphère. On est vraiment dans un entre-deux.

Vanderhasselt En effet. C’est toujours chouette, l’entre-deux. (rit)

Mika Oki © Thomas Ost

Quels sont les événements clés du programme, selon vous ?

Vanderhasselt J'attends avec impatience Mika Oki plays Sakamoto, une commande de Bozar. Nous lui avons demandé de créer un programme en hommage à Ryuichi Sakamoto. C'est une artiste touche-à-tout qui fournit à la fois la musique et les images. Ce soir-là, elle va parcourir le catalogue de Sakamoto, décédé exactement un an plus tôt. En dehors de cela, j'ai hâte d’assister au concert de Jlin. Elle a une voix très particulière et utilise la polyrythmie d'une manière unique et intense. Et le concert de Ryoji Ikeda, bien sûr.

Ikeda interprète son dernier album Ultratronics en live. Quel suspense ! Ses œuvres plus anciennes se rapprochent davantage de compositions méticuleuses que d’un concert sur scène.

Vanhoeck Oui, mais ici, il s'agit davantage du concept, de l'algorithme et du matériel numérique avec lequel il travaille. Le processus de création d'Ultratronics l’importe sur le résultat sonore final, qui dépend du moment.

Ikeda est bien sûr aussi très célèbre pour ses installations et il accompagne invariablement sa musique d'images. Comme beaucoup d'autres artistes de votre programme.

Vanderhasselt C'est d'ailleurs la tendance générale. Les concerts à la Autechre, où l'on reste assis dans le noir, sont de moins en moins pratiqués par les artistes. L'aspect visuel en fait désormais partie. Je trouve d'ailleurs cet aspect très intéressant. Voir quelqu'un jouer d'un instrument, c’est autre chose que voir quelqu'un tourner des boutons.

C'est également sur cet aspect que nous misons. La double affiche upsammy et GERARD, par exemple, est un concert audiovisuel live. upsammy fait de la musique électronique excentrique, qui incorpore souvent des enregistrements de terrain. Jonathan Castro se charge de l'aspect visuel. GERARD est un jeune guitariste belge très créatif ayant créé un spectacle avec l'artiste Victor Verhelst. Cette soirée est la première de la série Reset, en collaboration avec Reset parce que nos salles habituelles sont en rénovation. Dans cette série, nous programmons toujours une tête d'affiche internationale avec une première partie locale.

Enfin, qu'est-ce qui fait la spécificité d'Electronic Spring ?

Vanderhasselt Je pense que c'est la multiplicité des artistes qui s’enchaînent. On passe de Joe-Armon Jones à Bolis Pupul, à Jlin, à Ikeda, pour revenir à Lee Gamble. C'est un flux très intéressant, un mélange d'artistes vraiment unique que vous ne verrez nulle part ailleurs.

Vanhoeck C'est la crème de la crème de la musique électronique d’écoute. C'est pourquoi nous souhaitons mettre en avant la composante artistique du genre.

 

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