Close-Up: Pilar Palomero

Bozar présente l’une des voix les plus marquantes du cinéma espagnol contemporain: Pilar Palomero, dont l’œuvre interroge les processus de transformation intime qui laissent un avant et un après dans la vie d’une personne.

Dans le cinéma de Palomero, les grands événements ne font presque jamais de bruit: ils se produisent à l’intérieur des personnages, à travers des décisions intimes et des gestes nouveaux, discrets mais révélateurs, qui tracent la frontière entre ce que l’on a été et ce que l’on est en train de devenir. Ses films donnent à voir ces passages invisibles où l’identité se redéfinit: l’enfance qui se fissure et cède la place à l’adolescence; le saut brusque vers l’âge adulte; la tension entre ce qui n’est pas encore tout à fait parti et ce qui arrive trop vite.

Pilar Palomero saisit avec justesse un passage à la fois vital, historique et symbolique. Las niñas dépeint une Espagne partagée entre le poids du catholicisme et le vertige de la modernité des années 90. La maternal aborde une grossesse adolescente non désirée qui contraint une jeune femme à assumer des responsabilités avant d'y être prête, un conflit qui résonne également dans le monde des adultes. Los destellos construit une véritable épopée du quotidien où une petite action, une conversation, un soin, un silence, peuvent modifier le cours d’une histoire familiale. Interludes sans carte, traversées intimes à l’aveugle.

Plus qu’observer, la caméra de Palomero écoute: elle capte les états émotionnels en devenir, l’éveil d’une conscience à ce que signifie s’engager, répondre, grandir. Dans son cinéma, ce n’est pas l’anecdote qui compte, mais la profondeur éthique: que faire lorsque les responsabilités surgissent sans que l’on y soit préparé? Comment affronter ce qui ne peut être évité? Chez Palomero, la vertu n’est pas morale, c’est une lucidité émotionnelle née de l’expérience d’une fragilité partagée.

Formée à la direction de la photographie, elle accorde à chaque plan une précision sensorielle. Comme scénariste, elle ne cesse d’affiner son langage narratif. Son premier film, Las niñas, fut une révélation aux Goya 2021, où elle remporta les prix du meilleur film, de la meilleure réalisatrice débutante et du meilleur scénario original. Sans jamais se répéter, elle a exploré de nouvelles zones de risque avec La maternal, et atteint dans Los destellos une épure formelle et émotionnelle qui consacre une autrice en pleine maturité expressive.