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Cassandre Marfin

2 Nov.'25
- 11:00

HLB Stage

Jusqu’à la nuit


Amy Beach (1867-1944)

The Cradle Song of the Lonely Mother, op. 108 (1924)
 

Olivier Messiaen (1908-1992)

Les sons impalpables du rêve, n° 5 de Huit préludes (1928-1929)
 

Alexander Scriabine (1872-1915)

Poème-nocturne, op. 61 (1911)
 

Amy Beach

By the Still Waters, op. 114 (1925)
 

Olivier Messiaen

Chant d'extase dans un paysage triste, n° 2 de Huit préludes 
 

Alexander Scriabine

Sonate n° 6, op. 62 (1911)

Le bleu, ce people pleaser de l'Occident

Conversation entre Cassandre Marfin et Camille De Rijck

Dans la mesure où ce projet est un triptyque, pourriez-vous évoquer la fresque qu’il constituera dans son ensemble ?

CM : L’idée du triptyque est née au cours de mes recherches sur la couleur. Cela partait de notions essentielles, émergeant d’un amas d’informations si cruciales qu’il était impossible de toutes les présenter sur un unique album, car j’apprécie la clarté. J’ai alors envisagé de sélectionner une ou deux oeuvres pour chaque couleur. Cela me paraissait rendre le message un peu flou et brouillon. J’ai donc décidé de réduire l’information tout en la multipliant, en me concentrant sur les trois couleurs primaires : le bleu, le jaune et le rouge. Au départ, j’avais l’intention de commencer par le jaune, mais il s’est avéré que c’est la couleur la plus détestée. Finalement, j’ai opté pour le bleu, qui est, d’un consensus général, la couleur la plus appréciée dans le monde occidental. Quant au programme plus précis liant musique et couleur, je ne me suis pas tenue strictement à une correspondance son-couleur selon les échelles des compositeurs.rices, je m’en suis un peu éloignée pour varier le propos.

Quelle place occupe le bleu dans votre imaginaire musical ?

CM : C’est intéressant, car lorsque je me suis interrogée autour de moi sur la couleur de la nuit, deux visions contradictoires se sont présentées : certains affirmaient que c’était le bleu, d’autres, le noir. Pour moi, c’est sans conteste le bleu. Puisque je considère que la nuit est bleue, du moins dans ma perception, j’ai imaginé une ambiance empreinte de mystère, reliée au monde des rêves, quelque chose d’impalpable et d’indéfini. Cette notion n’est pas strictement décrite chez ces compositeurs, mais se ressent fortement, et c’est ce que m’évoque ce programme.

La nuit évoque le mystère ou suscite l’effroi. Le rêve y trouve également sa place. La photo de couverture n’a donc pas été choisie par hasard (Le Songe de l’Eunuque, de Jean-Jules Antoine Leconte du Nouÿ, 1874), elle évoque précisément cette nuit mystérieuse, cet ailleurs, cet Orient, le rêve, mais aussi une touche d’horreur, avec des traces de sang perceptibles.

CM : Effectivement, j’ai choisi cette oeuvre en interprétant la sixième sonate de Scriabine. Je ne me souviens plus exactement de l’endroit où je l’ai découverte, mais elle est restée gravée dans mon esprit avec une précision incroyable. Ce tableau encapsule tout ce que la sonate représente, ainsi que l’état d’être de Scriabine. On y perçoit à la fois une idée intangible, une forme de bien-être, et en même temps quelque chose d’effrayant et d’inaccessible, une sorte d’extase et de transfiguration, comme Scriabine l’espérait. 

Peut-être le moment est-il venu de parler de chromesthésie ?

CM : Oui, la chromesthésie se définit comme le principe fondamental du projet. La synesthésie renvoie à l’alliance générale de deux sens au sein du cerveau d’un individu. La chromesthésie, en revanche, fait spécifiquement référence à l’association entre couleurs et sons. À ce propos, j’ai découvert qu’il en existait deux : la chromesthésie associative et la chromesthésie projective qui varie d’un individu l’autre. Cela repose sur un principe de connexions neuronales qui s’établissent de manière aléatoire, engendrant des interconnexions qui, a priori, ne devraient pas exister, tout en étant également influencées par des facteurs conditionnants. 

Cela signifie-t-il qu’au moment où Scriabine commence véritablement à s’intéresser à l’association entre musique et couleur, il percevait réellement ces couleurs d’un point de vue cognitif ? Ce n’était pas une simple projection de son imagination ?

CM : Il semble que ce soit effectivement le cas. D’après les écrits existants, Scriabine possédait réellement cette capacité. Olivier Messiaen, lui, a une approche complètement fantasmée. Il n’était pas synesthète et il l’explique d’ailleurs dans une interview avec Claude Samuel. Toutefois, il appréciait l’idée et a ainsi élaboré tout un système de composition basé sur des modes, qui, au fil du temps, lui a permis d’y associer des couleurs. Il est intéressant de noter que les trois compositeurs de l’album entretiennent un lien différent au principe de synesthésie. Chez Amy Beach, cette notion s’exprime par une couleur générale liée à la tonalité, tandis que chez Scriabine, elle se manifeste par une note. Dans Prométhée, il décrit ces états psychiques en affirmant que lorsqu’on se trouve dans un état psychique particulier, cela pourrait être assimilé à une teinte de bleu azur, en raison d’un tourment émotionnel. Pour Messiaen, la couleur ne peut pas être strictement réduite à une seule note ou tonalité ; elle s’illustre par un mode, par l’ambitus, par le rythme. Par exemple, les préludes que je joue se rapportent au mode II, qui ne correspond pas directement aux tons de bleu, mais s’apparente à une idée de bleu mélangé à une pointe de violet et d’autres couleurs, ce qui traduit une complexité chromatique déterminée par un ensemble sonore.

Chez Scriabine, on parlerait plutôt d’art total ? 

C’était véritablement son fantasme : aboutir à une immense fresque sonore, Le Mystère, amalgamant parfums, couleurs et sons. Scriabine a cherché à mettre en musique l’extase que pouvait atteindre un humain. Cette quête sera de plus en plus intense tout au long de sa vie. Et c’est ce que je ressens dans sa 6ème sonate. Le Poème-Nocturne que je joue sur ce CD, l’opus 61, est une composition plus sobre que la sonate, mais tout aussi mystérieuse. Il a été composée la même année, et emploie le même mode ainsi qu’un développement sur base de l’accord mystique de Scriabine. L’opus 71, composé quelques années plus tard, rejoins également la même idée avec les mêmes processus.  Ces trois pièces de Scriabine présentent sur l’album appartiennent à la même période de sa vie et illustrent au mieux cette approche vers l’idée d’un état d’être suprême, une essence difficile à nommer.

Lorsqu’on enregistre un disque sur le thème du bleu, la première image qui vient à l’esprit est probablement celle de l’eau, de la mer. 

CM : Pour moi, cette association est plutôt basique : le ciel est bleu, la mer est bleue. Nous avons cette représentation mentale déterminée par notre apprentissage. Je n’avais pas envie de représenter cela, mais plutôt des idées, des métaphores, en plus des systèmes de compositions, qui permettent de se faire une impression personnelle du bleu. 

Il existe également une poétique de la couleur. Ces compositeurs avaient peut-être des idées plus ou moins claires quant à leur jeu de couleurs, mais l’auditeur jouit de la liberté d’interpréter et d’entendre la couleur qu’il projette.

CM : Oui, et je trouve que ces oeuvres titillent inévitablement l’imaginaire. Ce sont des pièces qui incitent véritablement à se créer un monde, de par leur langage personnel et novateur. Messiaen appelle aux « couleurs des vitraux » quand Scriabine propose ici plutôt un imaginaire ponctué d’aventures. 

Est-il déjà arrivé, après un concert, qu’un membre du public vienne vous dire qu’il a élaboré une histoire en vous écoutant ?

CM : Personnellement, je n’aime pas trop qu’on me partage ce genre d’expérience, car cela influence mon propre imaginaire (rires). C’est probablement arrivé à l’une ou l’autre occasion, mais je préfère l’oublier. Il n’y a absolument pas d’histoire qui se dessine dans ma tête, par exemple, dans la Sonate de Scriabine. C’est davantage une question de ressenti. Lorsque je joue cette sonate, je ne me raconte pas d’histoire. En revanche, avec d’autres compositeurs, je parviens plus facilement à envisager une narration tout en conservant une certaine liberté. Cela m’arrive souvent chez Debussy dont les titres influencent terriblement l’interprétation. Cependant, ce n’est pas uniquement cela. Plus on étudie un compositeur, mieux on comprend sa recherche. En s’appropriant son message, on se crée inévitablement sa propre histoire. Par exemple, Messiaen et Scriabine ont des approches similaires, mais différentes à la fois, comme évoqué plus haut. Lors de la performance, ce qui évolue dans ma tête est inexplicable, c’est véritablement un état d’être avec ces compositeurs. 

Il y a un principe qui relève également de la synesthésie, c’est celui de la texture. On évoque souvent « la texture musicale ». Elle renvoie au toucher. On touche donc la musique ?

CM : Je pense que chaque compositeur exige un son unique. Lors de la conception de mon programme, au-delà de l’idée de couleur que je voulais respecter, je tenais aussi à respecter mon répertoire autour de l’époque moderne et contemporaine. Il n’est pas pertinent de dire : « Je travaille sur le bleu, donc je vais jouer du Debussy et des oeuvres qui évoquent l’eau. » De plus, la pâte sonore que je ressens au piano avec ces compositeurs me convient bien mieux. En ce qui concerne l’idée musicale qui en découle, je m’identifie beaucoup plus à leur univers. Chez Messiaen, par exemple, la texture est pour moi la précision de l’attaque qui va amener la luminosité. Chez Scriabine, on va jouer avec les silences, les pédales… 

Mais évoquer une texture lumineuse, c’est aussi une forme de synesthésie.

CM : Oui, chacun sa synesthésie ! Il y a la texture de la forme, de la longueur de la phrase, de l’incision rythmique… Spécialement chez Messiaen, nous pouvons retrouver des lumières radicalement différentes à travers les différents cycles, mais qui s’unissent toutes pour ne former que l’idée d’un vitrail, d’un complexe de couleur. Il y a les Oiseaux, il y a les Regards ; ici, ce sont les Préludes. C’est tout autre chose chez Scriabine ; c’est davantage un geste musical, des sons fulgurants, et des feux-follets. Il l’indique d’ailleurs lui-même dans ses partitions, souvent en français. La texture accompagne l’ambiance et soutient l’idée musicale. Pour ma part, j’entends par texture le son, le matériel sonore et le matériel musical, ainsi que l’idée qui en découle. Chez Scriabine, il y a des motifs reconnaissables. Tel rythme ou tel motif a une signification. Cela produit des complexités sonores, une sorte de brouillard fugitif, mais beaucoup moins chez Beach, qui a un langage plus classique. Sa musique est tantôt calme, tantôt dansante. Elle a écrit de nombreuses oeuvres pour piano, et celles que j’ai choisies ont des allures presque enfantines de par leur simplicité apparente. Finalement, chaque compositeur demande une recherche de geste musical qui leur est bien précis et qui construise à la fois leur identité sonore, et la mienne.

Cassandre Marfin

piano

Cassandre Marfin cultive un rapport au piano où la recherche sonore, l’intensité expressive et la couleur occupent une place centrale. Formée au Conservatoire royal de Bruxelles, où elle étudie auprès d’Eliane Reyes puis de Dominique Cornil, elle y obtient un Master avec Grande Distinction, avant d’y recevoir le deuxième prix du Concours des Lauréats qui la mènera à se produire à Rome, Italie. 

Son jeu se nourrit d’un intérêt passionné pour les compositeurs du XXe siècle et du contemporain, notamment Olivier Messiaen, à qui elle consacre un premier album remarqué en 2021, Entre Plumes et Lumières. L’univers du synesthète français agit comme un fil conducteur dans sa démarche : Cassandre explore ensuite les liens intimes entre son, couleur et lumière, au cœur d’un projet discographique en trois volets, dont le premier opus, Jusqu’à la nuit, Vol. 1 : Le bleu, est sorti en octobre 2025 chez Cypres. 

À l’aise dans la multiplicité des formats, elle partage la scène aussi bien en récital qu’en musique de chambre, en Belgique et à l’international. Invitée du Festival de Stavelot aux côtés de Sylvia Huang, elle ouvre également le festival Midis-Minimes avec le Triple Concerto de Beethoven, fait ses débuts à Paris avec le collectif Oxymores, et se produit en solo à Berlin grâce au soutien de la fondation Bell’Arte.

Bozar Maecenas

Patrick Derom Gallery • Monsieur et Madame Bertrand Ferrier • Baron en Barones Marnix Galle-Sioen • Baron Xavier Hufkens • Monsieur et Madame Laurent Legein • Madame Heike Müller • Monsieur et Madame Dominique Peninon • Monsieur et Madame Antoine Winckler • Monsieur et Madame Bernard Woronoff • Chevalier Godefroid de Wouters d'Oplinter

Bozar Honorary Patrons

Comte Etienne Davignon • Madame Léo Goldschmidt

Bozar Patrons

Monsieur et Madame Charles Adriaenssen • Madame Marie-Louise Angenent • Comtesse Laurence d'Aramon • Monsieur Jean-François Bellis • Baron et Baronne Berghmans • De heer Stefaan Bettens • Monsieur Philippe Bioul • Mevrouw Roger Blanpain-Bruggeman • Madame Laurette Blondeel • Comte et Comtesse Boël • Monsieur et Madame Thierry Bouckaert • Monsieur Thierry Boutemy • Madame Anny Cailloux • Madame Valérie Cardon de Lichtbuer • Madame Catherine Carniaux • Monsieur Jim Cloos et Madame Véronique Arnault • Mevrouw Chris Cooleman •  Monsieur et Madame Denis Dalibot • Madame Bernard Darty • Monsieur Jimmy Davignon • De heer en mevrouw Philippe De Baere • Prince et Princesse de Chimay • De heer Frederic Depoortere en mevrouw Ingrid Rossi • Madame Louise Descamps • Madame Hélène Deslauriers • Monsieur Amand-Benoit D'Hondt • De heer Bernard Dubois • Mevrouw Sylvie Dubois • Madame Claudine Duvivier • Madame Dominique Eickhoff • Baron et Baronne William Frère • De heer Frederick Gordts • Baron et Baronne Pierre Gurdjian • De heer en mevrouw Philippe Haspeslagh - Van den Poel • Madame Susanne Hinrichs et Monsieur Peter Klein • Monsieur Jean-Pierre Hoa • Madame Bonno H. Hylkema • Madame Fernand Jacquet • Baron Edouard Janssen • Madame Elisabeth Jongen • Monsieur et Madame Jean-Louis Joris • Monsieur et Madame Adnan Kandiyoti • Monsieur Sander Kashiva • Monsieur Sam Kestens • Monsieur et Madame Klaus Körner • Madame Marleen Lammerant • Monsieur Pierre Lebeau • Monsieur et Madame François Legein • Monsieur et Madame Charles-Henri Lehideux • Monsieur et Madame le Hodey • Madame Gérald Leprince Jungbluth • Monsieur Xavier Letizia • Monsieur Bruno van Lierde • Madame Florence Lippens • Monsieur et Madame Clive Llewellyn • Monsieur et Madame Thierry Lorang • Madame Denise Louterman • Madame Olga Machiels-Osterrieth • De heer Peter Maenhout • De heer en mevrouw Frederic Martens • Monsieur Yves-Loïc Martin • Monsieur et Madame Dominique Mathieu-Defforey • De heer en mevrouw Frank Monstrey (urbion) • Madame Philippine de Montalembert • Madame Nelson • Monsieur Laurent Pampfer • Dr. Bram Peeters et Monsieur Lucas Van Molle • Madame Christine Perpette • Philippson • Monsieur Gérard Philippson • Comte et Comtesse Antoine de Pracomtal • Monsieur Bernard Respaut • Madame Fabienne Richard • Madame Elisabetta Righini et Monsieur Craig Finch • Monsieur et Madame Michael Rosenthal • Monsieur et Madame Frédéric Samama • Monsieur et Madame Philippe Schöller • Monsieur et Madame Hans C. Schwab • Monsieur et Madame Tommaso Setari • Monsieur et Madame Olivier Solanet • Monsieur Eric Speeckaert • Monsieur Jean-Charles Speeckaert • Vicomte Philippe de Spoelberch et Madame Daphné Lippitt • Madame Anne-Véronique Stainier • Monsieur Didier Staquet et Madame Lidia Zabinski • De heer Karl Stas • Monsieur et Madame Philippe Stoclet • Monsieur Nikolaus Tacke et Madame Astrid Cuylits • De heer en mevrouw Coen Teulings • Monsieur et Madame Philippe Tournay • De heer en mevrouw Koen en Anouk Van Balen-Stulens • Monsieur et Madame Xavier Van Campenhout • De heer Marc Vandecandelaere • De heer Alexander Vandenbergen • Mevrouw Barbara Van Der Wee en de heer Paul Lievevrouw • Monsieur Michel Van Huffel • De heer Koen Van Loo • De heer en mevrouw Anton Van Rossum • De heer Johan Van Wassenhove • Monsieur et Madame Michel Wajs-Goldschmidt • Monsieur et Madame Albert Wastiaux • Monsieur Luc Willame • Madame Danuta Zedzian • Monsieur et Madame Jacques Zucker 

Bozar Circle

Monsieur et Madame Paul De Groote • Mevrouw Greet Puttaert • De heer Stefaan Sonck Thiebaut • De heer en mevrouw Remi en Evelyne Van Den Broeck

Bozar Young Circle

Monsieur Axel Böhlke et Madame Clara Huizink • Monsieur Rodolphe Dulait • Madame Ana Fota • De heer Koen Muyle • De heer Sander Muyle Madame Valeria Onofrj  Sir Gabriel Smit Pergolizzi • Monsieur Guillaume van Doorslaer et Madame Emily Defreyne  

Et tous nos Membres qui souhaitent rester anonymes.