Frank Zappa in het PSK in 1970 © Jean-Luc Tanghe

Publié le - Lotte Poté

Des hippies aux cheveux longs au Palais

Retour sur le concert de Frank Zappa en 1970

Nous sommes le 16 décembre 1970. Frank Zappa monte sur la scène du Palais des Beaux-Arts avec The Mothers of Invention. Les 2 et 3 décembre prochains, Bozar replonge dans l’histoire de cette icône inoubliable de l'histoire de la musique, 30 ans après sa mort. Nous avons échangé avec Zjakki Willems, curateur de ce projet, et l'un des chanceux à avoir assisté à cette fameuse soirée du 16 décembre.

Bonjour Zjakki, depuis combien de temps êtes-vous fan de Frank Zappa ? Comment l'avez-vous découvert ?

Un ami québécois m'avait parlé du concert de Zappa programmé au Palais des Beaux-Arts. J'y ai donc assisté en tant que très jeune étudiant – j'avais 17 ans – et il m'a laissé sans voix. Je n'avais pas de disques de Zappa à l'époque, je ne possédais d’ailleurs que deux albums : un de Jimi Hendrix et un de Crosby, Stills, Nash & Young. À cette époque-là, il était difficile de trouver de la musique underground ici et, bien sûr, l'internet n'existait pas encore. Les actualités musicales se transmettaient de bouche à oreille. J'avais donc entendu parler de Zappa, mais je n'avais jamais écouté sa musique. Après ce concert en 1970, j'ai fait du stop jusqu'à Amsterdam pour trouver ses disques, qui y étaient déjà en vente à l'époque. Depuis, Zappa ne m'a plus lâché.

« On s'indignait que ces « hippies aux cheveux longs » jouent dans le distingué Palais des Beaux-Arts. »

Le concert au Palais des Beaux-Arts a-t-il été la première introduction à Zappa pour le public belge également ?

Freak Out, le premier album de Zappa, était sorti quatre ans auparavant, mais c’était son premier vrai concert en Belgique. Il avait déjà été maître de cérémonie au festival d’Amougies en 1969 dans le Hainaut, où il avait jammé sur une chanson avec Pink Floyd.

Frank Zappa in het PSK in 1970 © Herman Selleslags
Frank Zappa in the Centre for Fine Arts in 1970 © Herman Selleslags

Quel souvenir gardez-vous du concert de Zappa au Palais des Beaux-Arts en 1970 ?

À l'époque, on expérimentait beaucoup en matière de musique, d’une manière souvent révolutionnaire. Il suffit de penser aux premiers Pink Floyd, à Jimi Hendrix, Velvet Underground, Soft Machine, etc. Le concert de Zappa en 1970 était à la fois tout cela et bien plus encore. Les Mothers of Invention jouaient du rhythm ‘n’ blues avec du classique à la Igor Stravinsky et du doo-wop avec des percussions qui auraient pu être signées Edgar Varèse. Ce n'était pas seulement un concert, mais une sorte de performance. Il se passait toutes sortes de choses, parfois un peu folles, qui me rappelaient les Monty Python. Après cela, j'ai commencé à écouter Zappa de plus en plus, et ce n'est qu'après que j'ai pris conscience de ce que j'avais entendu et vu le 16 décembre 1970 au Palais des Beaux-Arts. C'était mon premier, mais évidemment pas mon dernier concert de Zappa. Je l'ai vu une vingtaine de fois au total et je l'ai interviewé à plusieurs reprises. J'ai voyagé à Paris, Milan, Londres, Francfort, etc. pour assister à ses concerts.

Quelle a été la signification de ce concert pour le Palais des Beaux-Arts et le public ?

C'était un moment vraiment spécial, y compris pour le Palais des Beaux-Arts. À l'époque, le Palais n'était pas ce que Bozar est aujourd'hui, un lieu ouvert à tous les types de musique. À l'époque, on s'y rendait presque exclusivement pour écouter de la musique classique. Je ne sais pas qui a eu l'idée d'inviter Zappa, mais c'était du jamais vu à l'époque. On s'indignait que ces « hippies aux cheveux longs » jouent dans le distingué Palais des Beaux-Arts. Le public était également très atypique. Il y avait une ambiance hippie, les gens étaient souvent très surpris pendant le concert. Il était si difficile de se procurer des disques à l'époque que la plupart des spectateurs ne connaissaient pas vraiment Zappa. À l'époque, en tant que mélomane, on se rendait à un concert sans avoir entendu la musique, car il y avait très peu de concerts. C'est ainsi que l'on découvrait de nouvelles musiques. 

« Les Mothers of Invention jouaient du rhythm ‘n’ blues avec du classique à la Igor Stravinsky et du doo-wop avec des percussions qui auraient pu être signées Edgar Varèse. Ce n'était pas seulement un concert, mais une sorte de performance. Il se passait toutes sortes de choses, parfois un peu folles, qui me rappelaient les Monty Python. »

Qu'est-ce qui fait de Frank Zappa un artiste si particulier ?

Zappa a brisé de nombreuses frontières et portait plusieurs casquettes à merveille : compositeur de génie, excellent guitariste, parolier acéré, artiste conceptuel, artiste de performance, cinéaste... Musicalement, il s'est frotté à des genres très divers : classique, avant-garde, jazz expérimental, rock, doo-wop, rhythm ‘n’ blues... Il ne se souciait pas des cadres et brisait les frontières de manière géniale. En outre, tout est lié dans son œuvre, un phénomène qu'il appelle lui-même « continuité conceptuelle ». Il n'est pas facile de comprendre Zappa, parce que sa musique est très complexe et que tout est lié. Les éléments se réfèrent les uns aux autres : concerts, pochettes de disques, albums, films, interviews – un fil conducteur traverse tout. Ce que beaucoup ignorent, c'est qu'il a commencé par être un compositeur classique. Il a ensuite commencé à faire de la musique rock parce qu'il n'arrivait pas à vendre ses œuvres classiques, mais ces genres se sont toujours mélangés. C’est ce dont vous ferez également l'expérience lors de Zappa. Yes. Yes. Yes. à Bozar.

Découvrez ci-dessous l'intégralité du programme Zappa. Yes. Yes. Yes. les 2 et 3 décembre à Bozar.