Publié le - Lotte Poté

Pourquoi David Hockney est-il un grand artiste ?

Nous attendons tous depuis longtemps le 8 octobre, date de l’ouverture de la double exposition organisée à Bozar autour de l’œuvre de David Hockney. Il suffit de rapidement googliser son nom pour apprendre qu’il compte parmi les artistes britanniques vivants les plus appréciés. Si son nom vous dit peut-être quelque chose, vous connaissez sans doute mieux ses piscines, devenues emblématiques, dans lesquelles vous aimeriez vous aussi plonger. En guise de plongeon, nous vous proposons de vous immerger dans toute sa carrière artistique. Histoire d’apprendre pourquoi Hockney est si connu et si encensé, et pourquoi il n’a de cesse de se réinventer – malgré ses 84 printemps. Cinq bonnes raisons au moins qui font de lui un artiste extraordinaire.

Hockney 1992

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Tout sur David Hockney

David Hockney, "No. 227", 22nd April 2020, iPad painting, © David Hockney
David Hockney, "No. 227", 22nd April 2020, iPad painting, © David Hockney

Un artiste touche-à-tout qui se renouvelle sans cesse

Vous pensiez peut-être que David Hockney était uniquement un peintre ? Rien n‘est moins vrai. Tout comme il laisse libre cours à son imagination artistique, il s’approprie aussi différents médias. Il est ainsi photographe et dessinateur, mais aussi créateur de décors et de costumes pour l’opéra. Avide d’expérimentation, il se met à exploiter la photo polaroïd au début des années quatre-vingt. Les plus jeunes y voient peut-être un support rétro, mais à l’époque, il s’agissait d’une toute nouvelle technologie. Dans le volet L’arrivée du printemps, Normandie, 2020 de la double exposition à Bozar, vous découvrez l’échantillon le plus récent de la quête constante d’expérimentation de Hockney. Pendant le premier confinement, il a fixé sur son iPad ses impressions du printemps, dans les environs de sa maison en Normandie. Chaque tableau est une ode à la vie qui met en avant la beauté de la nature.

« Je pense que je suis avide, mais je ne suis pas avide d'argent – ​​je pense que cela peut être un fardeau – je suis avide d'une vie passionnante. Je veux que ce soit stimulant tout le temps, et ça l’est, en fait. Par ailleurs, à la différence de la plupart des gens,  je peux trouver enthousiasmant, je l'admets, d’observer des gouttes de pluie qui tombent sur une flaque d'eau. J'ai l'intention de vivre une vie intense jusqu'au dernier jour. »

 

Un Britannique amoureux du Californian way of life

Hockney a grandi dans le Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre, et a étudié au Royal College of Art de Londres. En 1962, une fois son diplôme en poche, il s’installe en Californie. Il succombe aux charmes du « West Coast lifestyle » américain, avec ses piscines et ses maisons colorées, qui deviendront l’une de ses grandes sources d’inspiration artistique. Hockney a pris l’habitude de se partager entre l’Europe et les États-Unis, et de se confronter ainsi à deux styles de vie et paysages différents. Cette transition radicale, cette schizophrénie, se retrouve dans son œuvre. Le ciel gris de l’œuvre monumentale Bigger Trees near Warter Or/ou Peinture Sur le Motif Pour Le Nouvel Age Post-Photographique s’oppose violemment aux couleurs vives des tableaux qu’il a peints en Californie. Mais c’est précisément là la force de Hockney : percevoir le beau n’importe où et de n’importe quelle façon – toujours de manière différente.

David Hockney, Mr. and Mrs. Clark and Percy, 1970-71, Acrylic on canvas, 213.4 x 304.8 cm, Tate: Presented by the Friends of the Tate Gallery, 1971 © David Hockney

De chair et de sang

Les portraits de Hockney se distinguent avant tout par leur touche éminemment personnelle. L’artiste n’a d’ailleurs jamais exécuté de portraits sur commande. C’est dans sa vie personnelle, dans son intimité, qu’il puise son inspiration et trouve les sujets de ses toiles : qu’il s’agisse de sa maison à Los Angeles ou de son jardin en Normandie, de sa famille, de ses amis et de ses amants. Admirer une œuvre de Hockney, c’est pénétrer, délibérément ou non, dans son univers. Un de ses doubles portraits les plus célèbres est celui de M. et Mme Clark et leur chat Percy. Témoin au mariage du couple, il les représente ici dans la pièce la plus intime de leur appartement de Notting Hill, la chambre à coucher. On en aurait presque le réflexe d’ôter ses chaussures pour enfoncer ses orteils dans le tapis.

« Les Américains prennent des douches tout le temps... Pour un artiste, l'intérêt des douches est évident : tout le corps est toujours visible et en mouvement, généralement avec grâce, comme le baigneur qui caresse son propre corps. Il existe également une tradition tricentenaire de représentation du baigneur dans la peinture. Les maisons de Beverly Hills semblaient pleines de douches de toutes formes et de toutes tailles... Elles me semblaient toutes être en partie luxueuses... c’est très peu anglais ça ! »

À la fois subtil et audacieux

L’homosexualité n’a été dépénalisée, en partie, qu’en 1967 au Royaume-Uni, pays où Hockney – lui-même homosexuel – pratiquait son art dans les années soixante. Il ne percevait toutefois pas cette répression comme une menace, mais comme un défi à relever. Ce qu’il fit en choquant, dans une volonté de déstabiliser et de faire vaciller sur leurs bases les structures hétéronormatives. Et pour cela, quel meilleur medium que l’art ? Dans ses tableaux, il commence ainsi à faire des allusions à sa propre sexualité et à représenter des scènes queer. Plus tard, lors d’un séjour en Californie lors duquel il enseigne à l’université, il s’éprend de Peter Schlesinger, un étudiant de onze ans son cadet. Celui-ci fut pour Hockney bien plus qu’un amant, il deviendra l’une de ses plus grandes muses. À L.A., Hockney peint des hommes au plus près, dans la piscine, au bord de la piscine, sous la douche…

« Ils veulent être ordinaires – ils veulent s'intégrer. Eh bien, je m'en moque. Je me fiche de m'intégrer. Partout, c'est tellement conservateur ! »

Insolent et entêté

Hockney sait – a toujours su – ce qu’il veut. À onze ans, il veut déjà devenir artiste, à vingt ans, il refuse le service militaire et, à l’âge mûr, il décline le titre de chevalier. Un entêtement qui transparaît également dans son œuvre. Pendant ses études à Londres, l’expressionnisme abstrait connaît son heure de gloire. Le figuratif appartient à un passé glorieux qui se meurt. Sauf pour Hockney. Il ne tarde pas à réconcilier les deux pôles contraires que sont l’abstraction et la figuration et à les mêler dans ses portraits, paysages ou intérieurs. En 1979, il adresse, par le biais de l’Observer, ses doléances à Sir Norman Reid, directeur de la Tate, à qui il reproche d’acheter trop d’œuvres abstraites. « C’est tout à fait absurde, si les hommes peignent des visages depuis 5 millénaires, il y a une bonne raison à cela. »

La double exposition David Hockney : œuvres de la Collection de la Tate, 1954-2017 et David Hockney : L’arrivée du printemps, Normandie, 2020 vous est proposée à Bozar du 8 octobre 2021 au 23 janvier 2022. Pensez à réserver vos tickets dès à présent sur notre site web.