Publié le - Christophe Slagmuylder

Suivre le courant

L’histoire n’est pas une succession de faits isolés. C’est une rivière, un courant dans lequel on s’immerge et dont on fait partie. Dans l’histoire de l’art et de la musique, on parle alors de racines, de traditions, de courants.

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Éditos de Christophe Slagmuylder

Il est bon d’avoir des points de référence. Ils sont encouragé·e·s par la politique et l’enseignement. Ainsi, différents pays et régions établissent un canon (canon vient du grec et signifie « guide » ou « étalon »). Un canon rappelle des personnes, des œuvres, des inventions, des événements et des évolutions mémorables qui restent pertinentes pour la société actuelle. Un tel guide donne un sentiment de continuité et de cohérence, d’appartenance. Dans notre monde globalisé, il n’existe pas un seul canon, pas un seul grand courant - selon la ville, la région, le pays, la langue ou le continent, plusieurs flux se ramifient. Le courant dans lequel baigne un·e artiste (compositeur·trice, musicien·ne, …) ou un·e amateur·rice d’art se mêle et se renouvelle sans cesse. On s’inscrit dans le courant, on puise de nouvelles sources et on se trace un lit personnel avec des âmes parentes. À force de battre l’eau, de nager ou de voguer à pleine vitesse, on contribue au courant. On participe à son agitation et l’on fait - rétrospectivement - partie de l’histoire.

À Bozar, différents courants se rencontrent en permanence. Ils se croisent et s’influencent souvent. Cela ressemble à une course de relais. Dans la dernière salle de l’exposition John Baldessari, l’artiste conceptuel américain, issu du pop art et enfant de migrants européens, reprend le flambeau de son prédécesseur espagnol Francisco Goya. Comme Goya dans ses séries de gravures Caprichos et Los Desastres de la Guerra, Baldessari fait se percuter l’image et le mot. Dans Luz y sombra. Goya et le réalisme espagnol, vous pouvez découvrir les gravures de Goya. En guise de conclusion, vous pouvez voir une installation vidéo d’Albert Serra, dérivée de son documentaire Tardes de soledad. Entrez à vos risques et périls. Serra expose sans filtre la violence et la virilité du monde de la corrida.

En partie en raison de la manière dont Goya a été mobilisé pour la canonisation de l’identité espagnole, le taureau combatif est devenu le symbole de ce que l’on a appelé le caractère national espagnol. Le majismo de l’époque de Goya — avec les vêtements traditionnels et les attitudes des majos et majas — est profondément ancré dans le flamenco. À la fin du XVIIIᵉ et au début du XIXᵉ siècle, c’était une façon de préserver l’identité espagnole contre la Révolution française et l’occupation française. Mais qu’en est-il aujourd’hui des sources, des courants et des réinterprétations contemporaines dans le flamenco ? C’est ce que nous fait ressentir le commissaire Pedro G. Romero lors du festival Flamenco antes y después del flamenco.