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L’Afropolitan Festival célèbre toutes les femmes

L’Afropolitan Festival est une plateforme de visibilité et de rencontres qui installe un rendez-vous annuel autour de la scène artistique afropolitaine d’Europe, plus particulièrement de Belgique, et d’Afrique. Pour sa 5e édition, du 26 au 29 mai, il met à l’honneur des femmes artistes tant reconnues qu’émergentes. Nous avons demandé à Ayoko Mensah, co-programmatrice et coordinatrice du Festival, de nous en présenter les grandes lignes.

Ayoko Mensah portrait
Ayoko Mensah © Caroline Lessire

Quels sont les temps forts et les particularités de cette cinquième édition ?

Avec mes collègues, nous avons choisi pour thématique Women Power afin de rendre hommage à cette montée en puissance des femmes dans toutes les sociétés, particulièrement en Afrique et dans les diasporas africaines en Europe. Nous mettons donc en lumière cette année des artistes, des intellectuelles, des productrices, des opératrices culturelles…

Fatou Diome, Asa, Jeny BSG, Grace Ndiritu, Monique Mbeka Phoba, Soe Nsuki, Sire Kaba, Oriana Ikomo, Marwa Zein, Amarachi Nwosu ou encore Akua Naru, Ines Eshun, Yemisi Mokuolu ou Charisse Oyediwura sont autant de personnalités singulières qui représentent toute la diversité des femmes et des artistes afropolitaines. La jeune génération est très présente. Elles sont porteuses d’un véritable mouvement d’émancipation, à la fois sociale, culturelle et économique.

Asa © GR-DR

Quant aux temps forts, c’est difficile à dire : tous les événements du festival sont intéressants. Ils sont variés et s’adressent à différents publics. C’est la force de ce festival pluridisciplinaire. Bien sûr la venue de la grande romancière et essayiste Fatou Diome ou encore le concert d’Asa qui viendra présenter en primeur son nouvel album sont des événements. Mais ils ne doivent pas masquer l’intérêt du reste de la programmation : du fashion pop-up à la programmation cinéma en passant par la première présentation de la masterclass de Monique Mbeka Phoba sur le thème Femmes et Rumba, les débats, les performances et les workshops.

Ce mouvement d’émancipation féminine, particulièrement fort dans la jeunesse, est-il une conséquence de #MeToo ?

Bien sûr, le mouvement #MeToo a eu des répercussions à travers le monde et a touché aussi les femmes afro-descendantes en Europe. Toutefois, il existait déjà des dynamiques d’émancipation qui leur étaient propres, motivées par la volonté de se construire une autre place que celle qui leur était donnée. Cela a été porté notamment par la jeune génération de femmes nées en Europe mais qui ont des liens avec les pays dont leurs familles sont originaires. Elles revendiquent leur double appartenance et veulent prendre pleinement leur place dans la société où elles vivent. Ce mouvement porté par des jeunes femmes fait bouger les choses, non seulement pour elles-mêmes mais aussi pour les générations de femmes plus âgées.

© Astrid di Crollalanza

Pourriez-vous donner quelques exemples d’artistes qui seront présentes au festival et qui reflètent ce mouvement ?

Fatou Diome incarne cette génération de femmes arrivées en Europe durant leur jeunesse. Elle était sénégalaise, elle est devenue également française et revendique ses différentes identités. Elle est un excellent exemple d’émancipation féminine et de cette faculté d’appartenir à deux pays, à deux continents qui la définissent aujourd’hui. Elle arrive à articuler cette complexité en refusant les réductions faciles.

Il y aussi Amarachi Nwosu, dont le film que nous allons présenter, The Ones Who Keep Walking, est précisément consacré à la nouvelle vague de la créativité africaine dans les domaines de la mode, des arts plastiques, de la musique, de la danse… Vivant entre les États-Unis et le Nigéria, Amarachi représente cette jeune génération qui revendique sa double appartenance et mène un combat pour exprimer et valoriser ses identités dans toute leur complexité, loin des représentations et des classifications conventionnelles, notamment en ce qui concerne le genre. Je pense aussi bien sûr à l’influenceuse et danseuse-chorégraphe belge d’origine congolaise Jeny BSG, qui viendra présenter une performance et donner un workshop.

Le film de Marwa Zein, Khartoum Offside, en est aussi une bonne illustration. Il n’est pas évident pour une femmes soudanaise de faire une carrière de réalisatrice. Son film documentaire est centré sur l’histoire d’une équipe féminine de football au Soudan. On suit la lutte de ces sportives pour pratiquer leur passion malgré l’interdiction imposée par le gouvernement militaire islamique du Soudan.

Marcher sur l’eau by Aïssa Maïga

Nous présenterons également en première bruxelloise le film d’Aïssa Maïga Marcher sur l’eau, en clôture du Festival. Elle est une actrice majeure et a initié un mouvement de dénonciation des discriminations des femmes noires dans le cinéma. Elle est notamment à l’origine du livre Noire n’est pas mon métier. Elle lutte, elle aussi, pour changer les mentalités et faire tomber les carcans dans lesquels les femmes noires sont encore trop souvent enfermées. En même temps, elle est présente en Afrique et réalise un film pour parler d’une problématique essentielle : les conséquences du changement climatique.

Le festival, c’est bien ce carrefour international qui célèbre la créativité et l’engagement afropolitains sous presque toutes ses formes.