Sonoro Quartet - Rising Star

Seán Doherty (°1987)
Devil's Dream (2015)

Guillaume Lekeu (1870-1894)
Molto adagio sempre cantante doloroso (1887)

Annelies Van Parys (°1975)
Tsunami (2023)

Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Quatuor à chordes en fa mineur, op. 80 (1847)

• Allegro vivace assai 
• Allegro assai 
• Adagio 
• Finale: Allegro molto

Ce programme associe deux œuvres du XIXe siècle à des compositions récentes. Le quatuor à cordes s'avère être une combinaison d'instruments pour laquelle toutes les possibilités sont loin d'avoir été épuisées. 

Seán Doherty – Devil's Dream 

Doherty : « J'ai été initié à la musique par la tradition du violon typique de mon Donegal natal. Dans la musique irlandaise, il s'agit d'une tradition à part entière. Contrairement au son calme du style Clare ou aux cordes légères du style Galway, le style Donegal est davantage tourné vers l'extérieur, de l'autre côté de la mer, vers l'Écosse et la Nouvelle-Écosse. Il est agressif, entraînant et sans fioritures, les mélodies sont aussi dépouillées que la lande, l'archet aussi tranchant que les falaises. L'un des principaux représentants de cette tradition était mon professeur, le violoniste James Byrne, et ce quatuor à cordes est vaguement basé sur deux mélodies que j'ai apprises de lui : An Londubh et The Devil's Dream. 

James est décédé sur le chemin du retour après un concert, aux premières heures du 8 novembre 2008, près de sa maison de Mín na Croise. Cette pièce évoque sa démarche. Des fragments de l'air lent An Londubh (le merle), dont on se souvient à moitié, s'assemblent lentement jusqu'à ce que la forme complète soit atteinte. Le « reel », The Devil's Dream, s'y immisce comme une danse macabre qui détruit l'air. L'air revient – en hurlant – pour être à nouveau récupéré par le « reel ». Après avoir cité le Dies irae grégorien, le « reel » lui-même se désintègre. Des cendres de The Devil's Dream, l'air émerge dans sa forme finale, transfigurée. 

Cette pièce a été écrite à la mémoire de James Byrne (1946-2008), pour sa compagne Connie et leurs filles, Séana, Aisling et Merle. » 

Annelies Van Parys – Tsunami 

Van Parys : « La pièce s’inspire du magnifique chant des cigales japonaises. Leur chant m'a frappée lorsque je me promenais dans les parcs de Tokyo pendant ma résidence au TOKAS Tokyo Arts and Space. Outre leur chant, j’ai aussi trouvé leur rythme et leur puissance absolument extraordinaires, et j'ai immédiatement su que je les utiliserais pour un quatuor à cordes. En recevant la commande du Sonoro Quartet quelques semaines plus tard, je l'ai acceptée avec plaisir, car je savais qu'il s'agissait de l'ensemble parfait pour mon idée. Ce tsunami n'est donc pas un tsunami d'eau, mais un tsunami de cigales. » 

Guillaume Lekeu – Molto adagio sempre cantante doloroso 

Ce Molto adagio a été écrit par un compositeur quasi autodidacte, en réaction de choc aux quatuors de Beethoven. Du haut de son innocence juvénile, le musicien pensait qu'il devait y avoir « quelque chose d’autre à faire avec un quatuor à cordes qu'une œuvre parfaite et régulière dans le style de Mozart ou Haydn ». Cette affirmation est cohérente avec son style de composition plutôt tourmenté, loin de la clarté et de l'équilibre du style classique. Le Molto adagio s'inspire des paroles du Christ lorsqu'il se rend au jardin de Gethsémani : « Mon âme est triste jusqu'à la mort » (Mt, 38, 26). L'œuvre est une méditation sur la souffrance et la mort et sur le désarroi qu'elles suscitent. La consigne donnée aux interprètes est explicite : Molto adagio sempre cantante doloroso (Très lentement, toujours en chantant avec tristesse). Tout concourt à aliéner le discours musical de cette œuvre plaintive. La sombre scansion du violoncelle, dans l'introduction, est suivie d'une écriture tentaculaire composée de lignes étirées qui donnent l'impression d'un rubato général. L'harmonie est tendue, mais sans tomber dans l'hyper-expressivité que l'on attribue d’ordinaire à Lekeu. Le sentiment dominant est celui de la contemplation (on ne peut s'empêcher de penser aux Sieben letzte Worte de Haydn). L'œuvre se termine par les premiers sons du violoncelle : la boucle est bouclée. 

Felix Mendelssohn – Quatuor à cordes n° 6 en fa mineur, op. 80 

« Jusqu'à présent, j'ai eu toute sa confiance. J'ai vu son talent se développer pas à pas et j'ai même, d'une certaine manière, contribué à son éducation musicale. Il n'a d'autre conseiller musical que moi. D'ailleurs, il ne met jamais une idée sur le papier avant que je ne l'aie évaluée. »  

C'est ainsi que Fanny Mendelssohn, âgée de 17 ans, parlait de son frère, de quatre ans son cadet. Mendelssohn était très proche de sa sœur. Sa mort soudaine, à la suite d'une attaque cérébrale en mai 1847, sera un coup dur dont il ne se remettra jamais complètement. 

Au cours de l'été 1847, il passa ses vacances au lac d'Interlaken, où il trouva l'énergie d'écrire ce quatuor en guise de requiem pour Fanny. Ceux qui le rencontrèrent cet été-là le trouvèrent paradoxalement plein de projets d'avenir, alors qu'il ne cessait d'affirmer qu'il allait bientôt mourir. À peine deux mois plus tard, il décéda effectivement d'une attaque cérébrale en pleine répétition de son grand oratorio Elijah. Il n'avait pas encore atteint l’âge de 39 ans.