Els Dietvorst

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Els Dietvorst: This is what you came for

Étant donné le rôle majeur que jouent la nature, les éléments, les plantes et les animaux dans son travail, on pourrait dire qu'Els Dietvorst est un drôle de zèbre dans l'art contemporain. Elle choisit de se concentrer sur ce que les autres considèrent souvent comme insignifiant, moindre ou indésirable. Opiniâtre et radicale, elle suit sa propre voie dans le monde de l'art. Pourtant, avec le BelgianArtPrize, elle reçoit désormais un grand prix prestigieux pour son œuvre engagée, qui se traduit, entre autres, par une exposition à Bozar.

La rencontre et la création de liens sont des valeurs qui sont au cœur du travail d'Els Dietvorst. Elle choisit donc d'organiser deux expositions dans deux endroits différents à Bruxelles. Les visiteurs font le lien entre la CENTRALE for Contemporary Art au centre-ville de Bruxelles, où sont exposées des œuvres flambant neuves, et Bozar, où sont présentés un échantillon de l'activité artistique d'Els Dietvorst au cours des 20 dernières années ainsi que de nouvelles œuvres. Voici d'ores et déjà une première rencontre avec quelques réalisations.

Un arbre couvert de cire d’abeille, aux contours informes, fondus, sculptés par les flammes aujourd’hui éteintes mais présentes dans les traces qu’elles laissent dans l’exposition, traces d’un rituel qui a eu lieu le soir du vernissage : une parade amenant l’arbre de la CENTRALE à Bozar où il fut enflammé. L’arbre était porté par les membres du BARЯA Movement, un collectif d'artistes, de collaborateurs de longue date et d'anciens étudiants qui s'est développé de manière organique au cours des dernières années et qui s'inscrit dans sa pratique.

© Philippe De Gobert

Ce cheminement avec l’arbre dans les rues de Bruxelles, Els Dietvorst le dédie aussi à ACM (Art – Cœur – Merci), un Camerounais sans-abri qu’elle a rencontré fin des années 2000 lors d’une de ses promenades à Bruxelles. Nous faisons la connaissance de ce « philosophe-errant » dans un film où l’artiste évoque ce parcours de vie singulier, qu’elle a suivi pendant plusieurs années avant de le perdre de vue. ACM a vécu dans une « Cabane de la fortune » le long du canal Bruxelles-Charleroi, situé en périphérie de la ville. Tel un chasseur-cueilleur urbain contraint de trouver de quoi se nourrir, il confectionnait ses habits à partir de nos dépôts laissés dans les conteneurs à vêtements d'Oxfam. Alors qu’il ne représentait pas un fardeau pour son entourage, il a été chassé et son abri rasé. ACM était fort et fragile à la fois. Il était un artiste (de la vie).

« Els Dietvorst est une artiste engagée, concernée par des questions sociales qu’elle aborde en cherchant à faire apparaitre les connexions qui se tissent entre les personnes, les situations et les environnements. Son travail est ancré dans l’observation, l’écoute et la bienveillance. Il parvient à donner à voir ce qui reste trop souvent invisible, préférant l’émerveillement à la dénonciation. La cohérence entre son existence et son œuvre dessine les possibilités d’autres manières de voir et de vivre. »
- Rapport du jury du BelgianArtPrize
© Philippe De Gobert

Els Dietvorst vit en Irlande, retirée à la campagne, non loin de la mer. Pendant le premier confinement, elle s’en va chaque jour poser des pierres blanches sur un rocher qu’elle a baptisé « Coastal Shrine » (sanctuaire côtier) car il forme un point lumineux sur la plage. La nature travaillant avec ou contre elle, Els Dietvorst accepte qu'elle ne puisse contrôler les choses. Les passants ajoutent des pierres, tel un rituel collectif auquel tout le monde peut participer, créant un sentiment d'appartenance, sans que les gens aient à se rencontrer.

© Philippe De Gobert

Avec la vidéo Vive la démocratie, Els Dietvorst traduit l’histoire de la vie de Kokou Zokli, réfugié ayant fui le Togo, en un monologue théâtral et un film dont la trame de fond se compose d’images d’une manifestation au Togo que Kokou a filmées lui-même. Dietvorst accompagne le film d’une « Liste des réfugiés disparus » publiée par le réseau européen UNITED for Intercultural Action. Elle nous confronte aux noms des 44.764 personnes réfugiées qui sont mortes depuis 1993 en tentant de rejoindre la « Forteresse Europe », à la recherche d'une vie meilleure, fuyant la pauvreté et les atrocités commises dans leur pays. Els Dietvorst dénonce un thème qui lui a toujours tenu à cœur : la démocratie bafouée et l’inhumanité de notre monde. En réponse, l’artiste place trois statues monumentales, les « trois grâces », figures protectrices qui accueillent le visiteur et veillent sur ces milliers de migrants encore sur la route.

Découvrez par vous-même le monde d'Els Dietvorst à Bozar et à la CENTRALE for Contemporary Art. L'exposition à Bozar est entièrement gratuite.