« Voici des gens dont l’histoire est imprégnée du sang des autres. Colonialisme, apartheid, esclavage, épuration ethnique, guerre bactériologique, armes chimiques : ils ont pratiquement tout inventé. » Depuis ses débuts, l’autrice et militante indienne de renommée mondiale Arundhati Roy n’a cessé de remettre en question les versions officielles de l’Histoire et ce qu’elle appelle l’hypocrisie occidentale. Dans ses mémoires très attendus, Mother Mary Comes to Me, elle revient sur une vie marquée par une dissidence courageuse.
Omar El Akkad s'était contraint au silence, au nom de la neutralité journalistique ou du principe artistique du « montrer sans dire ». Citoyen américain, né en Égypte, élevé au Qatar et au Canada, cet écrivain et ancien correspondant de guerre publie une œuvre de non-fiction sans tabou. « Je savais pertinemment qu’il existait de profondes et béantes fissures dans les fondations de ce qu’on appelle le “monde libre” », écrit-il. « Et pourtant, je croyais [...] que l’essence même de ce monde, quelle qu’elle soit, pouvait être sauvée. Jusqu’à l’automne 2023. Jusqu’au massacre. » One Day, Everyone Will Have Always Been Against This est une critique de la complicité de l’Occident dans le génocide perpétré par Israël à Gaza. L’auteur y explore le prix moral à payer pour cette indifférence face à la brutalité systémique.
Dans son premier roman salué par la critique, Oroppa, la Néerlandaise-marocaine Safae el Khannoussi explore les migrations à travers une perspective transgénérationnelle. Ce livre explore la diversité, l’histoire et le rapport ambigu que la diaspora nord-africaine entretient avec l’Europe. « Sans m’en rendre compte, j’ai été frappé par la même frénésie collective qui ensorcelle les gens d’ici, et moi aussi, j’ai méprisé tout ce qui était inférieur, pauvre et non européen », confie l’un des personnages.
Une quatrième voix pour affronter les vérités que l’on préfère taire : Philippe Sands. Dans son nouveau roman, 38 Londres Street, l’écrivain franco-britannique et juriste internationale explore les liens entre le dictateur chilien Augusto Pinochet et l’officier SS Walther Rauff, qui a échappé à toute condamnation et a poursuivi sa vie au Chili. Une méditation percutante sur l’exil, la responsabilité, et l’héritage des violences autoritaires.
Pour certain·es, ces perspectives ouvrent un nouvel horizon. Pour d’autres, elles résonnent avec une expérience vécue. Quoi qu’il en soit, tous les regards se tournent vers l’Occident. Il est peut-être temps, nous aussi, d’y regarder de plus près.