Publié le - Paul Briottet

Feijoada, le goût de la mémoire

Gastronomique, politique et queer : comme une recette se bonifie par ses subtilités, Feijoada de Calixto Neto est le ciment d'un moment de communion et d'émotions contrastées et complexes.

Reprise à Bozar dans le Hall Horta, Feijoada, créée en 2021 s’inscrit dans une filiation de performances conçues par des figures majeures de la scène artistique au Brésil, telles que Lia Rodrigues ou bien Luiz de Abreu directement cité dans la pièce, où la scène est un espace de lutte symbolique et collective. En ce sens, la performance gastronomique du danseur et chorégraphe brésilien Calixto Neto n’est pas seulement un prétexte de convivialité. Elle est politique, elle est queer.  

Cette performance aborde des sujets profondément politiques – l’histoire coloniale, l’esclavage, le racisme systémique – sans jamais adopter un ton didactique ou frontal. C’est par la convocation des sens que la pièce de Calixto Neto engage le spectateur dans son sujet. La préparation réelle de la feijoada - plat brésilien traditionnel - sur scène, le rythme des percussions, les voix et les récits, la proximité des interprètes, la nudité parfois, activent la mémoire corporelle et collective et créent un espace où passé et présent se confondent. Ce dispositif scénique et performatif bouscule les habitudes spectatorielles. Il s’appuie sur une forte dimension sensorielle qui permet une forme d’accès non intellectuel, mais profondément affectif, aux blessures de l’histoire. Il crée un trouble, une empathie, une tension, qui donne à réfléchir autrement, non par la démonstration, mais par la sensation. 

Dégustation de la feijoada à l’issue du spectacle, avec l’équipe artistique.