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« La musique que je propose illustre mon amour de l’intensité sonore »

Entretien avec Julia Wolfe

Dès le mois de septembre, nous présenterons quatre artistes phares cette saison. À travers de multiples concerts, leur polyvalence sera mise à l’honneur et toutes leurs facettes seront abordées : le grand format et l’intime, les premières œuvres et les nouvelles créations, les territoires familiers et l’expérimentation. La compositrice américaine Julia Wolfe nous donne un aperçu de ses sept concerts à ne pas manquer.

Quel est le projet que vous attendez avec le plus d’impatience à Bozar ? 

Julia Wolfe : « La musique que je propose illustre mon amour de l’intensité sonore et mon lien profond avec le théâtre, surtout dans l’œuvre Fire in My Mouth, qui rassemble plus de 100 chanteuses et un orchestre. Elle s’inspire de l’industrie du vêtement au tournant du siècle dernier. L’œuvre est centrée sur l’incendie qui a ravagé la Triangle Shirtwaist Factory en 1911, et sur ses conséquences. J’ai voulu évoquer les femmes immigrées qui y travaillaient. Elles avaient fui la pauvreté et les persécutions dans leur pays d’origine. Nombre d’entre elles étaient ouvrières textiles et maîtrisaient les compétences nécessaires en couture. Elles se retrouvaient dans d’immenses usines, des centaines réunies autour des machines à coudre. Fire in my mouth raconte l’histoire de ces femmes qui ont tenu bon face à de grandes difficultés, de celles qui furent à l’avant-garde du combat pour réformer leurs conditions de travail. » 

Connaissez-vous également le travail de Lea Desandre, Sol Gabetta et Fennesz, les autres artistes en résidence cette saison ?

Wolfe : « Oui, je suis familière de leur savoir-faire musical virtuose et profondément personnel. Ensemble, nous montrons à quel point la création musicale est étoffée et remarquable aujourd’hui. »

Y a-t-il des souvenirs de la Belgique que vous aimeriez partager avec nous ? 

Wolfe : « En 2013, je suis venue en Belgique dans le cadre de la première de Steel Hammer, écrite pour Bang on a Can All-Stars et le Trio Mediæval, au Concertgebouw de Bruges. Cette fois-ci, Bang on a Can All-Stars s’associe au Vlaams Radiokoor dans Anthracite Fields, un hommage aux ouvriers de la région de Pennsylvanie qui travaillaient dans les mines d’anthracite à l’époque où cette industrie alimentait le pays. La pièce se penche sur l’héritage complexe de cette industrie dangereuse. » 

« Toutes les œuvres musicales que je présente s’inspirent de l’idiome américain : le fiddle, le swing, la podorythmie, les percussions corporelles... La sensibilité est brute et instantanée. »
- Julia Wolfe

À Bozar, votre travail s’échelonnera sur sept concerts. Quel est pour vous le fil conducteur de votre travail ? 

Wolfe : « Toutes les œuvres musicales que je présente s’inspirent de l’idiome américain : le fiddle, le swing, la podorythmie, les percussions corporelles... La sensibilité est brute et instantanée. Dans Body Language, un claquement de mains déclenche une explosion orchestrale. Une salve de coups sur la poitrine conduit à des roulements énergiques sur une batterie faite de tuyaux en plastique et d’ustensiles de cuisine. Dans Forbidden Love, les percussionnistes s’attaquent aux instruments du quatuor à cordes en les frappant et en les grattant. » 

Des œuvres comme Fire in My Mouth et Anthracite Fields exposent un chapitre de l’histoire américaine que l’on ne trouve pas dans les manuels scolaires et qui ne fait pas partie de la mémoire collective. Y a-t-il un événement historique particulier ou une crise contemporaine à laquelle vous aimeriez consacrer une composition à l’avenir ?

Wolfe : « Je prépare actuellement une nouvelle œuvre basée sur la période du maccarthysme, qui présente des points communs avec notre époque. La vie des gens ordinaires avait alors été détruite par l’hystérie et la paranoïa des politiques de droite. Il s’agira peut-être d’un opéra. Après Fire in My Mouth, j’ai écrit deux œuvres de grande envergure pour orchestre et voix. Her Story s’approprie les mots de personnages historiques et le zeitgeist de moments charnières pour rendre hommage à la lutte séculaire et permanente pour l’égalité des droits des femmes, leur représentation et leurs accès à la démocratie en Amérique. unEarth explore notre relation à la nature et aborde le thème du changement climatique. Ensuite, pour une autre œuvre thématique, Flower Power, un concert pour Bang on a Can All-Stars et orchestre, je me suis inspirée de l’agitation politique et de l’idéalisme de la fin des années 1960. »

Consultez ci-dessous les concerts de Lea Desandre. Ou découvrez les autres artistes présentés cette saison :