Publié le - Klaas Coulembier

The Planets de Gustav Holst

Dans la série « Echoes of the 20th Century », nous racontons l'histoire derrière douze compositions emblématiques du XXe siècle. L'Antwerp Symphony Orchestra ouvrira le bal le 21 novembre avec une œuvre symphonique d'une qualité exceptionnelle qui continue d'inspirer les compositeurs de musique de film : « The Planets » de Gustav Holst.

Les hommes viennent de Mars. Les femmes viennent de Vénus. C’est le titre, en majuscules, du best-seller international de John Gray, publié en 1992. Soyons précis : seule la première phrase du titre était imprimée en lettres majuscules (bleues). La deuxième était quant à elle écrite dans une police élégante de couleur rose. Les stéréotypes ne manquent donc pas. Tout aussi digne d’intérêt que la pertinence de la mise en évidence des différences entre les hommes et les femmes est l’association des planètes avec des traits de caractère humains. C’est cette approche astrologique, et non les corps célestes eux-mêmes, qui a inspiré au compositeur anglais Gustav Holst en 1914 une suite orchestrale en sept parties, une pour chaque planète connue à l’époque (à l’exception de la Terre).

En vacances entre amis

Une névrite persistante à la main droite. C’est la raison qui contraignit le jeune Gustav von Holst à abandonner sa carrière de pianiste concertiste pour se tourner vers le trombone. Il espérait d’ailleurs qu’un instrument à vent l’aiderait à soulager son asthme, mais l’avantage principal était que ce choix allait lui permettre d’apprendre à connaître l’orchestre symphonique de l’intérieur.

Après avoir travaillé pendant plusieurs années en tant que tromboniste professionnel, Holst choisit en 1905 de se lancer dans une carrière dans l’enseignement. Il menait une vie sobre, dont les longues randonnées constituaient le principal loisir. Il ne voyagea que quelques fois, en Algérie en 1908 (dont il visita le désert à vélo) et à Thessalonique et Constantinople en 1918. C’est là, alors qu’il organisait des concerts pour les troupes démobilisées après la Première Guerre mondiale, qu’il jugea préférable de changer son nom de Gustavus Theodore von Holst (héritage de ses ancêtres allemands) en Gustav Holst.

Mais son voyage en Espagne en 1913 fut encore plus important. Holst était frustré que sa carrière de compositeur ne décolle pas. Pour soulager son état dépressif, Balfour Gardiner et les frères Arnold et Clifford Bax l’invitèrent à passer des vacances avec eux. En Espagne, Holst passa de nombreux moments seul, mais se laissa progressivement inspirer par les discussions de ses amis et les histoires d’astrologie racontées par Clifford. C’est ainsi que la suite pour orchestre que Holst avait déjà en tête prit la forme de The Planets.

Pas une description des planètes

Dans le livre Qu’est-ce qu’un horoscope et comment est-il établi ?, que Holst consultait régulièrement, Alan Leo explique comment la position des étoiles et des planètes au moment de la naissance d’une personne influence ses traits de caractère. C’est également dans cette optique que nous devons aborder la musique de Holst. Il ne s’agit pas ici d’une description programmatique des planètes en soi, comme Richard Strauss décrit les Alpes dans sa Symphonie alpestre. Holst ne s’intéresse en fait pas à l’espace, mais à la psyché humaine et à la manière dont elle peut être expliquée. Les planètes sont des métaphores, ou comme il l’a lui-même expliqué lors d’une conférence, des « mood pictures ».

Le titre provisoire de la suite orchestrale était donc abstrait : Seven Pieces for Large Orchestra. Holst semble ainsi faire référence aux Fünf Orchesterstücke d’Arnold Schönberg qu’il avait entendues en 1912, des compositions abstraites qui se distinguent par la richesse de leurs couleurs orchestrales. Dans le manuscrit de Holst, les sous-titres (The Bringer of War, The Bringer of Jollity, …) sont déjà mentionnés, mais il n’ajouta les noms des planètes que plus tard. Ce que symbolisaient les planètes était plus important que les planètes elles-mêmes. Ainsi, Mars, The Bringer of War n’a rien à voir avec la Première Guerre mondiale (qui n’éclata qu’après que Holst eut terminé cette partie). La musique est plutôt une expression de l’état émotionnel et psychologique que nous associons à la guerre, ou de la nature belliqueuse inhérente à l’être humain et qui s’exprime plus ou moins fortement en fonction de la position des corps célestes.

Innovation et familiarité

Cette lecture quelque peu philosophique de The Planets n’empêche pas la présence de nombreux épisodes riches en images. Qui ne perçoit pas le vol frétillant de Mercurius, messager ailé des dieux mythologiques, lorsque les bois et les cordes se relaient dans une mélodie tourbillonnante ? Ou la joie débordante de Jupiter, la planète qui symbolise le bonheur et l’optimisme ? La partie centrale de Jupiter, que tous les Britanniques chantent d’ailleurs aujourd’hui spontanément sous le titre I Vow to Thee, My Country, exprime quant à elle la grandeur de la planète la plus massive du système solaire. Dans Neptune, Holst ajoute un chœur de femmes pour souligner le caractère mystique. Le lien avec Sirènes de Debussy, une œuvre que Holst avait certainement entendue en 1909, est évident, non seulement sur le plan sonore, mais aussi sur le plan du contenu. Neptune est le dieu de la mer où vivent également les sirènes de Debussy.

C’est peut-être cette multiplicité de couches qui explique pourquoi cette composition a (enfin) valu à Holst la reconnaissance du public. Il parvient également à maintenir l’équilibre entre innovation et familiarité. Il utilise des triades tonales, mais les juxtapose et les superpose de manière inhabituelle, créant ainsi des dissonances inédites. Chacune des sept parties possède une identité distincte, avec non seulement ses propres rythmes et mélodies, mais aussi ses couleurs orchestrales et atmosphères. De cette manière, le grand maître de l’orchestration traduit les connaissances astrologiques (la manière dont les corps célestes s’équilibrent les uns les autres) en une logique musicale qui s’inscrit dans les recettes séculaires de variation et d’unité. C’est pourquoi The Planets est parfois interprété comme une symphonie déguisée. Mercurius et Uranus jouent alors le rôle du scherzo, tandis que Venus représente la partie lente classique. Le centre de gravité se situe alors dans Saturn, la partie énigmatique dont Holst lui-même semblait très satisfait.

Succès et influence

The Planets a apporté à Holst la renommée qu’il recherchait depuis si longtemps, même s’il lui a été difficile par la suite de rester systématiquement associé à cette seule œuvre. Holst ne pouvait pas imaginer que l’influence de The Planets dépasserait largement sa propre renommée, notamment au cinéma. Les films sur l’espace font souvent écho à l’univers sonore de Holst. John Williams allait devenir le plus grand usager de la fantaisie musicale de Holst. La musique de Star Wars contient de nombreuses citations, et d’autres films font également référence à cette œuvre, comme le thème d’Hedwig, la chouette postale de Harry Potter, dont la bande originale rappelle la musique ailée de Mercurius, avec notamment les sons aériens du célesta.

Le 28 novembre à 19h, Klaas Coulembier donnera une introduction bilingue (FR-NL) sur cette œuvre emblématique. Le lieu sera communiqué ultérieurement.